Le Domaine d’Isegorias » Mona, la fille de la terre : le roi des Korrigans - Contes et légendes de Bretagne, Féerique

Mona, la fille de la terre

Un peuple marin hante les profondeurs ouessantines : les Morgans. Ce sont des hommes et des femmes d’une grande beauté. Seule, Mona Kerbili, une jeune Ouessantine qu’on disait belle comme une Morganès, vit en leur palais au plus profond de l’océan.

Le roi des Morgans, Ă©bloui par la beautĂ© de Mona Kerbili, saisit l’adolescente et l’emporta au fond de l’eau. Dans le palais, au milieu des richesses abyssales, Mona, resplendissait. Le vieux roi en Ă©tait fou amoureux. Son fils aussi… Le vieux Morgan refusa l’alliance des deux jeunes gens. Il força son fils Ă  se marier avec l’enfant unique d’un des grands de sa cour. La noce fut belle : on mangea, on but abondamment.

Or, le soir de la fête, le père cruel décida de mettre à mort Mona, la fille de la terre.

F-M. Luzel, dans l’un de ses contes, décrit la scène.

“Vers minuit, les nouveaux mariĂ©s se retirèrent dans leur chambre nuptiale, magnifiquement ornĂ©e, et le vieux Morgan dit Ă  Mona de les y accompagner et d’y rester, tenant Ă  la main un cierge allumĂ©. Quand le cierge serait consumĂ© jusqu’à sa main, elle devait ĂŞtre mise Ă  mort. La pauvre Mona dut obĂ©ir. Le vieux Morgan se tenait dans une chambre contiguĂ«, et, de temps en temps, il demandait :

- Le cierge est-il consumé jusqu’à votre main ?
- Pas encore répondait Mona.

Il répéta la question plusieurs fois. Enfin, lorsque le cierge fut presque entièrement consumé, le nouveau marié dit à sa jeune épouse :
- Prenez, pour un moment, le cierge des mains de Mona, et tenez-le, pendant qu’elle nous allumera un feu.

La jeune Morganès, qui ignorait les intentions de son beau-père, prit le cierge.
Le vieux Morgan répéta au même moment sa question :

- Le cierge est-il consumé jusqu’à votre main ?
- RĂ©pondez oui, dit le jeune Morgan.
- Oui, dit la Morganès.

Et aussitĂ´t le vieux Morgan entra dans la chambre, se jeta sur celle qui tenait le cierge, sans la regarder, et lui abattit la tĂŞte, d’un coup de sabre ; puis il s’en alla.”

Le lendemain, lorsqu’il s’aperçut de sa méprise, le roi entra dans une grande colère. Puis il s’apaisa et donna son consentement au mariage de son fils et de Mona.

Mais Mona s’ennuyait de son Ă®le bretonne. Elle obtint enfin l’autorisation de retourner dans sa famille. Elle y fit sensation. Puis le vent chassa jusqu’au moindre souvenir de ses aventures sous-marines. Jusqu’au jour oĂą le jeune roi vint la chercher. La jeune fille se jeta dans ses bras… et on ne la vit plus, Ă  jamais.